Les Femmes en noir, 2002

Betacam numérique, PAL, couleur, son


Cette vidéo a été enregistrée au cours d’une réunion des "Femmes en noir", organisation féminine et pacifiste. La question fondamentale de cette vidéo est celle du patriarcat, et donc du paternalisme et de l’autorité, mais aussi et surtout celle du rôle complexe des mères et des épouses pendant la guerre. « En Serbie, la famille c’est comme le territoire » dit l’artiste, qui propose ainsi une compréhension de l’Histoire en passant par les petites histoires familiales. Et ce qui se dit au cours de cette vidéo met effectivement en évidence l’implication de chacune autant que de chacun dans la guerre des serbes contre les albanais. L’image de Femmes en noir montre des femmes qui écoutent, et jamais l’oratrice. Ce parti pris de filmage et de montage introduit une tension entre ce qui se dit et la capacité de recevoir cette parole. Montrer ces femmes qui écoutent, très attentives, permet au spectateur d’écouter. Au-delà du discours très autocritique qui s’y énonce, la vidéo donne aussi à voir une succession de portraits de femmes, en créant un lien évident de la pratique actuelle du film aux photographies antérieures de Florence Lazar. Par ces deux régimes de représentation, elle expérimente l’une des problématiques cruciales du portrait : la distance. Et surtout la question essentielle de l’identité, du singulier et du remplaçable, qui fait écho aux arguments idéologiques qui sous-tendent ce « conflit local mondialisé ». Dans ce film, les portraits nous donnent à voir le visage comme lieu de la parole. Et la violence de ce discours, donné dans le contexte d’un huis clos entre femmes, peut ainsi être comprise comme la résultante de dix années de guerre.

Pascal Beausse

Extrait du texte « Florence Lazar : l’artiste comme journaliste », dans Florence Lazar, cat. exp., Grenoble, Musée de Grenoble, 2002.